Le pouvoir des images sur l’enfance


Pendant le temps des fêtes, passant du temps en famille chez mes parents, l’idée m’est venue de relire ma bande dessinée favorite quand j’étais petit : L’énigme de l’Atlantide par Edgar P. Jacobs réalisé en 1955-56. Cet auteur belge m’avait complètement happé dans son univers de mystère, de science-fiction et d’aventures un peu surréalistes. Un autre titre de Jacobs qui traverse bien le temps est Le Piège diabolique, 1960-1961. Enfant, je me souviens qu’à l’âge de 7-8 ans je descendais dans mon antre dans le sous-sol, et caché dans un coffre géant, je lisais l’album avec une chandelle et une flashlight. J’ai même échappé un peu de cire rouge sur le bas des pages de l’album.



Tête d'Olmec au parc du Bic, 1999.

Les mêmes têtes Olmec et Toltec photographiées au parc du Bic, 1999

Ma surprise fur grande! En relisant L’énigme de l’Atlantide quelque 40 ans plus tard, je réalise que certaines images m’avaient marqué si profondément que je les retrouve dans ma création artistique d’aujourd’hui. Dans ces deux cases tirées de l’album, on voit des artefacts de la culture des Toltec et des Olmec ainsi que des masques et costumes des Amérindiens de la côte est du Pacifique. Dans mon travail d’artiste photographe, ces cultures et images se sont glissées depuis longtemps dans mes images et mes récits. Est-ce Edgar P. Jacobs et ses dessins qui m’ont aiguillé tout jeune vers ces cultures?
The Golden Voyage of Sinbad, 1973. L'île de Lemuria.
Il m’est arrivé le même sentiment de révélation visuelle quand mon ami Alain Gosselin m’a refilé le film The Golden voyage of Sinbad tourné en 1973 et produit par Ray Harryhausen. J’imagine que je l’ai regardé en 1975, quand j’avais 13 ans. Dans le film, l’architecture des temples hindous côtoie des éléments de l’architecture des temples d’Angkor au Cambodge. Le film se déroule sur l’île de Lemuria, vestige d’une ancienne civilisation qui enflamme l’imagination (comme le contient caché d’Atlantide dans le récit de Jacobs, ainsi que l’île perdue où habite KING KONG).

The Golden Voyage of Sinbad, 1973. Dessin préparatoire de Ray Harryhausen.

The Golden Voyage of Sinbad, 1973. Dessin préparatoire de Ray Harryhausen.

The Golden Voyage of Sinbad, 1973.Trucage de Ray Harryhausen.

The Golden Voyage of Sinbad, 1973.Trucage de Ray Harryhausen. Un collage d'architectures propre à l'Inde et au Cambodge.

Collage avec squelettes de Harryhausen et motif hindou imprimé dans la roche.

Talos, cette séquence dans Jason et les Argonautes m'a profondément marqué.

Je n’ai qu’à penser à la séquence avec Talos dans Jason et les Argonautes. Ce sens de l’immense et du minuscule, du macrocosme et du microcosme, du lien entre l’enfant et son jouet et ce qui déclenche l’ouverture des portes de l’imagination. Jeune, en jouant, j’improvisais des récits dans la tête avec mes jouets. Pour donner vie à mes jouets, je fis des films en 8mm et super-8.

Extrait de La forêt des Serpents, 2009

Avec ces deux images, je note l'influence des jeux de proportions pratiqués dans les trucages de Harryhausen (ou de petits objets deviennent de gigantesques statues). Extrait de La forêt des Serpents, 2009.

Il est évident en juxtaposant certaines de mes photos avec des images du film de Harryhausen que son imaginaire m’a profondément marqué. Un gros aspect de mon travail puise ses sources d’inspiration visuelles dans mon enfance. Des films comme  Le Septième voyage de Sinbad (The 7th Voyage of Sinbad, 1958), Jason et les Argonautes: (Jason and the Argonauts, 1963) et  Les Premiers Hommes dans la Lune (First Men in the Moon, 1964).


Quand je parle de chocs en revisitant ces Bds et films en tant qu’adulte, c’est quelque chose de viscéral, une onde électrique profonde qui exhume les racines de mon imaginaire d’enfant et qui me renvoie aux sources de ma propre création. Un sentiment pareil, je l'ai eu aussi en arrivant à Konark dans le Karnataka pour visiter le célèbre temple de Surya (dieu du soleil). C'est être transporté dans un imaginaire hors du temps mais bien concret. Quand l'âme est vraiment émerveillée, elle tremble.

Hampi, 2000

Hampi, 2000

Udaipur, 2000

Konark, 1995

Hampi, 2000

Udaipur, 2000

Hampi, 2000
D’où vient la force mystérieuse de ces lieux et images fantastiques et symboliques qui gagnent en puissance en traversant le temps et les époques tout en se retrouvant dans la création d'artistes contemporains?

Tel le Tarot qui apparaît au début de la Renaissance ou l’homme de Vitruve dessiné en 1492 par De Vinci, ces images graphiques et symboliques transmettent-ils leur lot de connaissances et d’informations à même la surface de l’image? Peux-t-on codifier et fixer la sagesse et les émotions dans des objets et des images?

Ces cultures et images qui fascinèrent mon enfance, se retrouvent aujourd’hui au cœur de ma création. J’ai voyagé à travers le monde expressément dans le but de me rendre sur ces sites (comme les pyramides d’Égypte et les temples en Inde et au Mexique).

Extrait de La forêt des Serpents, 2009

Les Cyclopes au Caire, 2000

Extrait de La forêt des Serpents, 2009

Autoportrait devant Narasimba, Hampi, 2000

Un artiste peut-il engendrer une création qui te pénètre par les sens pour, en bout de course, se loger si profondément dans ton âme qu'elle finit par influencer ton destin? Dans mon cas, oui.

« Un bon peintre possède deux sujets principaux : L'homme et les intentions de son âme, le premier s'avère facile, l'autre est plus difficile.»
Léonardo da Vinci

Autoportrait, temple de de Konark, 1995-2014

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