Découpage des séquences de LES MONSTRES
Moi et le Monstre de l'écriture |
Cette semaine, presque chaque soir j'ai revisé le script du dernier chapitre. Je retravaille à l'ancienne. Pour LES MONSTRES, j'ai écrit mon premier scénario original de BD depuis 7 ans, illustré par Jean-Claude Amyot, un fidèle collaborateur depuis les années MAC TIN TAC (1991-1995, intégrale chez conundrum publiée en 2004)). Ça m'a rappelé les plaisirs d'écrire des scénarios de BD pour d'autres.
Depuis quelques années, je me spécialise en photo-roman. Je suis probablement le seul au Canada à poursuivre cette démarche (à part Benoît Peeters qui avec Marie-Françoise Plissart en a réalisé 4 et a intégré des photos de Plissart aux dessins de Shuiten dans L'enfant penchée). Du côté british, on peut mentionner Dave McKean et américain, Duane Michals.
Bref, il y eut des essais de photos-romans, mais peu en font leur spécialité. La forêt des serpents et À la brunante sur une plage d'agates furent réalisées à partir d'un bref synopsis. Sachant l'histoire en gros, je réalisais les photos puis j'assemblais un montage des meilleures séquences avant de faire la sélection finale.
Pas besoin de scénariste. Comme un film ou surtout un documentaire pour le cinéma, le récit se construit dans la salle de montage en agençant les images en des suites. C'est un processus très intuitif qui réserve toujours de belles surprises.
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Chapitre 8 |
Chapitre 4 |
Pour LES MONSTRES, roman-photo avec Bds qui parle, justement, d'enseigner et de faire de la BD, je voulais écrire les dialogues et la narration pour les 8 chapitres AVANT de les assembler en séquences d'images (et revenir à mes racines de scénariste en BD).
J'ai donc passé plusieurs semaines à écrire les scénarios. Une fois terminé, je me servais d'eux comme guide pour les agencer enfin en séquences narratives. On peut voir sur ce blog des images de mon cahier de croquis, illustrant le découpage des chapitres 2, 4 et 8.
Une fois le découpage terminé, le choix des images (ou le rajout d'images) me permait de modifier et surtout de peaufiner mes scénarios (et les images). Cette méthode, très souple, de va et viens entre le texte et l'image, je vais l'appliquer à la suite des choses quand je vais assembler les pages dans InDesign. Le récit, le texte et l'image vont continuer à évoluer et me surprendre.
Cette méthode je l'ai hérité de mes études en cinéma. Mes photos-romans sont cadrés et mis en scène comme des films. En BD je peux faire une planche avec 2 à 12 dessins pour découper une action. En photo-roman, j'ai tendance à faire des plans séquence, à cadrer une image comme un peintre. Chaque image raconte plutôt qu’illustre (exemple : découper une scène dans laquelle on voit un homme ouvrir un frigidaire, sortir une bière, la décapsuler et la boire. Avec le dessin, ça peux faire 8 cases (et plus). Avec la photographie, on peut tout raconté en une seule image : l'homme est assit devant son frigidaire et boît sa bière. Cette image devient plus vraie, on documente la réalité du personnage et de son environnement). Chaque photo compresse l'information en couches, comme un peintre qui utilise le dessin pour cristalliser une émotion, un récit/événement à l'intérieur d'une toile (voir Guernica de Picasso, réponse viscérale d'un artiste à un acte de tuerie et de barbarie).
Ce que j’aime dans le roman-photo c’est sa nouveauté vis-à-vis la modernité. Avec un historique ancré dans le romantisme et le roman-savon visant un public féminin, se réapproprier ce médium comme Duane Michals l’a fait dans les années 70 et proposer des séquences narratives métaphysiques et philosophiques, c’est ouvrir la porte des possibilités (comme la BD d'auteur autobiographique la fait au débit des années 90).
LES MONSTRES est un récit intime sur fond de mort, de vie, de révolution et de BD. C’est le genre de projet qui me fait peur parce que je suis en territoire inconnu, en même temps, c’est ça qui est excitant.
4 premières pages du chapitre 2 |
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